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autrement (mai 1984)

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 autrement, No 60, mai 1984, 70 F

 

En ce Vendredi Saint où on apprend via Le Devoir que le PLQ a repris la première place dans les intentions de vote, au Québec, pourquoi ne pas en profiter pour remonter dans le temps ?

Je sais. Je sais. On voyage habituellement jusqu’à une époque beaucoup plus lointaine impliquant l’empire romain, Jésus et toute la bastringue, mais contentons-nous simplement d’un plus petit saut dans le temps, grâce à la magie d’un merveilleux document que j’ai déniché dans une bibliothèque de la Montérégie, et que j’ai acquis pour la mirobolante somme de 10 sous.

Après, on viendra me dire qu’une bonne lecture est hors de prix…

Bref, que peut-on retrouver dans ce document qui puisse éclairer si pertinemment le marasme politique d’aujourd’hui comparé aux passé idyllique ou lyrique véhiculé par les médias, habituellement ?

indépendance, puces électroniques et écologie

Commençons par le commencement. À la page 22 du document. Juste après la question posée sur les deux pages précédentes, en lettres capitales : ÉMERGENCE… D’UNE NATION ?

Il s’agit d’un texte de Gabriel Gagnon, sociologue, membre du comité de rédaction de la revue Possibles (1976-2008), à l’époque, en 1984.

À l’aube du « beau risque », au crépuscule du règne de Pierre Elliot Trudeau.

À l’aube de Bourrassa II, au crépuscule du règne de René Lévesque.

Autrement dit, à l’aube d’une reprise des négociations constitutionnelles sous l’égide de deux interlocuteurs fédéralistes semblant faire preuve de bonne foi renouvelée.

À défaut de fédéralisme renouvelé, on a eu droit à de la bonne foi renouvelée.

À défaut de pain, on mange de la galette.

Cela étant dit et précisé, parce que c’est bon de placer certains repères historiques pour ne pas se faire duper par les ruses du présentisme, l’attrait de ce texte est indéniable.

On y fait état de plusieurs constats qui sont importants à mettre en perspective avec notre situation politique et sociale actuelle. Je vous laisse le loisir d’y pécher le parallèle ou le prolongement dans l’activité culturelle d’aujourd’hui.

Par exemple, on y parle d’ »une crise de légitimité (qui) plonge dans l’incertitude toute la société québécoise ». Ressemblance troublante avec notre situation.

Dois-je vous rappeler que nous ne sommes qu’en mai 1984, à l’époque, soit huit ans seulement après le coup de coeur pour le Parti québécois, quatre ans après le premier échec référendaire et deux ans après le rapatriement unilatéral de la constitution canadienne sans l’assentiment de l’Assemblée nationale du Québec.

Mais, déjà, le sociologue Gagnon perçoit au Québec ce que n’importe qui de moindrement informé pourrait VOIR aujourd’hui dans n’importe quel journal, télévisé ou pas.

Ce n’est pas tout.

Dans ce même article éclairant de la revue autrement, on y aborde déjà la question qui me préoccupe personnellement aujourd’hui: celle du virage technologique et celle de l’écologie.

Aujourd’hui, on dit Projet Saint-Laurent et environnement, ça fait plus branché.

D’ailleurs, ce qui me frappe le plus dans le dernier sondage de Léger d’aujourd’hui, c’est le résultat du Parti vert, qui est pourtant passé à travers un épisode assez pénible dernièrement.

Autre exemple de pertinence de ce texte ? Autre citation :

Le discours indépendantiste lui-même semble avoir vieilli et ne plus faire l’unanimité des groupes qu’il avait d’abord réunis.

Et je vous rappelle que nous sommes en 1984 ! Il y a de cela pratiquement VINGT-NEUF ans !

Mais, à cette époque, contrairement à la nôtre, c’est le pacifisme et l’écologie qui refuse de s’aligner avec le discours souverainiste. Alors qu’aujourd’hui, la mode est à la division gauche/droite dans les médias.

Ce qui me semble être totalement à côté de la plaque.

Bizarrement, Gabriel Gagnon semble dressé un portrait bien plus en phase avec notre Québec que celui qu’il décrivait lui-même à ce moment-là.

Il y fait d’ailleurs une énumération des différentes positions politiques des mouvements syndicaux qui vaut la peine d’être rappelé ici.

  • La FTQ y vivait une crise interne et organisationnelle importante menacée par une crise économique ébranlant ses fondements et son membership. Celle-ci était d’ailleurs innovante en « soutenant plusieurs usines autogérées ou cogérées et en établissant un fonds syndical lui permettant d’intervenir dans le financement et la gestion de certaines entreprises. »Celle-ci n’était pas ouvertement souverainiste puisqu’elle était un regroupement de sections québécoises des syndicats américains (appelés internationaux) et canadiens, oeuvrant surtout dans le secteur privé.
  • La CSN était en perte de vitesse quant à son nombre de membres, également, et était la plus menacée. Partagée presque également entre secteur public et privé, celle-ci essayait de « concilier l’opposition irréductible à l’État de ses employés d’hôpitaux avec le souci (d’offrir) à ses membres les plus défavorisés d’obtenir du gouvernement le maintien de leur insertion au marché du travail. (Ici, le sociologue fait preuve d’un pessimisme quant à l’avenir de la Confédération syndicale qui ne s’est pas avérée par la suite. Il voyait mieux dans le présent que dans l’avenir, en quelque sorte.)
  • La CEQ (Centrale des enseignant du Québec) – et c’est ici que ça devient intéressant – était « porteuse d’un discours marxiste désincarné, ennemie déclarée du PQ et de l’État québécois, peu populaire auprès des parents qui la (taxaient) de corporatisme, la CEQ (défendait) avec fermeté l’école publique et une profession que les gouvernants (avaient) tendance à dénigrer de façon démagogique pour mieux faire passer des coupures budgétaires effectuées dans la panique et sans trop de discernement. » Même si la Centrale demeurait carrément indépendantiste, elle constituait (paradoxalement) le noyau dur de l’opposition au PQ !

Tout comme moi, vous aurez sans doute remarqué que cette dernière organisation syndicale, qui ne porte plus ce nom et qui a subi d’énormes changements structurels depuis 1984, demeure la clef de la plus grosse pièce du casse-tête indépendantiste aujourd’hui : Québec solidaire.

Relisez, ça vaut le coup : discours marxiste désincarné; ennemie déclarée du PQ; accusée par les parents de corporatisme; fer de lance de l’école publique et de la profession d’enseignant; coupures budgétaires effectuées dans la panique et sans discernement; noyau dur de l’opposition au PQ. On dirait les lignes directrices de Québec solidaire, aujourd’hui !

Comme si la CEQ avait pris près de deux décennies à former un parti politique afin d’éduquer les masses aliénées sur l’importance de l’école publique, la gauche caviar et l’opposition à un Parti québécois en panique, qui coupe n’importe comment dans tous les ministères québécois afin de prouver qu’il sait, lui aussi, s’occuper de l’économie… à défaut de pouvoir s’occuper de la population.

Wow !

Je sais bien qu’il ne s’agit que du constat d’une seule personne, du portrait d’un sociologue de Possibles offert à une revue française, mais tout de même !

En tous cas, moi, ça me décoiffe !

Mais ne nous arrêtons pas là. J’essaie d’écrire un billet de blogue qui fait appel au passé de manière critique, pas de manière démagogique.

Je ne suis pas en train de dire que QS est une excroissance marxiste plus ou moins édulcorée qui a décidé de lâcher l’activisme syndical pour créer un parti politique, l’histoire de la fondation de ce parti est bien plus complexe et n’est pas aussi simpliste.

Sauf que le constat et le rapprochement est assez troublant.

  1. Parce qu’il désamorce le mythe selon lequel le PQ aurait orchestré une campagne de lavage de cerveaux dans les écoles publiques afin d’y faire la promo de son option indépendantiste. Mais si le principal syndicat de l’après-référendum perdant de 1980 était férocement opposé à la vision du PQ et qu’il défendait bec et ongles une vision marxiste de la société de consommation des années 1980, on est en droit de se poser des questions sur ce qui a vraiment eu lieu dans les salles de classes à l’époque où j’étais moi-même ado;
  2. Comment une profession dénigrée à réussi à être perçue par certains hurluberlus du libertarianisme comme une arrière-garde péquiste au lieu d’une avant-garde socialiste me laisse songeur.

Mais allons plus loin dans le texte de monsieur Gagnon.

Le gouvernement Lévesque, responsable de la législation ouvrière la plus avancée

en Amérique du Nord,

est ainsi paradoxalement dénoncé par de nombreux syndicats

comme aussi patronal que ses adversaires libéraux.

Ici, le sociologue pose une question sous forme d’affirmation qui dévoile l’autre type de propagande qui brouille la perception de la population de la réalité québécoise, encore aujourd’hui.

Comment peut-on encore avoir aujourd’hui une scission aussi profonde dans les rangs souverainistes alors que la nostalgie entretenue dans les médias de masse veut que ce parti n’a pratiquement jamais connu d’opposition ou de déchirement idéologique gauche/droite dans son passé ?

De plus, comment ne pas VOIR que le pacifisme et l’écologie sont encore un élément important de la désaffection actuelle pour ce parti politique en 2013 ?

Eh bien, tout simplement parce que cette belle vision idéalisée du passé n’a JAMAIS existée !

Et le plus beau dans tout ça, c’est que cette vision plus nuancée, plus détaillée de notre passé récent, qui contient en elle-même tout le potentiel historique de la société canadienne française depuis sa fondation et sa prise de conscience politique, fait éclater le beau discours des amis de la droite libertaire qui confondent le PQ et le mouvement syndical comme si les deux allaient de pair depuis le début de la fondation de ce parti.

Ce n’est pas tout, elle met aussi à mal la ridicule image véhiculée par François Legault de la CAQ qui voudrait que le PQ soit pieds et poings liés aux impératifs syndicaux, communautaires et écologiques, au moment même où Québec solidaire et Option nationale et le Parti vert du Québec (!) sont plus en forme que jamais pour défendre ses tendances divergentes au sein du mouvement plus global en faveur de la souveraineté du Québec.

Et après on se demande, à la CAQ, pourquoi cette « coalition » n’arrive plus à remonter au-delà de la barre du 20% dans les intentions de vote depuis son résultat de 27% obtenu lors des dernières élections provinciales…

Comment une « coalition » dissidente du PQ, comme le sont QS et ON, en passant, peut prétendre prendre le pouvoir alors qu’elle ne forme son discours critique face au gouvernement actuel et celui en attente de la reprise du pouvoir (le PLQ) que sur des prémisses idéologiques qui ne tiennent pas la route ?

C’est simple. Parce que la CAQ est un parti fabriqué par des marchands de boîtes à savon. Parce que la CAQ offre aux Québécois une vue d’ensemble des problèmes de la classe moyenne québécoise, celle qui supporte depuis toujours et de plus en plus intensément le fardeau de la charge publique, qui ne correspond pas à la réalité agissante des partis auxquelles cette très jeune formation politique fait face. Et ce, peu importe qu’elle soit – ou non – une extension plus ou moins affirmée du discours adéquiste – dont j’ai fait partie à l’époque de ses premiers balbutiements, en passant.

Et après on se demande pourquoi la coalition pour l’avenir du Québec ne lève pas dans les sondages avec des idées de cons inspirés des prospectus visant à vendre des projets de centre d’achats en banlieue ?

Et que dire de son discours sur les vieux partis ?

Non, mieux que ça !

Et que dire de tous les discours des nouveaux partis qui blâment l’alternance politique entre le PQ et le PLQ au cours des 30 ou 40 dernières années pour tous les maux dont nous souffrons ?

Que dire de cette pensée magique qui veut que les vieux partis sont passé date ?

Que dire de ceux qui ne comprennent rien au « tout nouveau, tout beau » ?

Que dire à ceux qui veulent nous dire d’opter pour une formation qui n’a même pas dépassé le stade de la maturation des idées alors que celle-ci fait l’éloge en coulisse d’une province comme l’Alberta qui, suivant sa tradition politique propre, élit le « même » gouvernement conservateur depuis près de quarante ans ?

Qu’ils sont des imbéciles ? Vous me volez les mots de la bouche.

Enfermée dans son présentisme ridicule, la CAQ cherche à se distinguer d’une offre politique dont elle est elle-même issue, sans comprendre qu’elle n’en a pas compris l’offre distinctive.

Encabanée dans son idéologie marxiste, Québec solidaire ne fait que du clientélisme auprès des plus démunis, oublie de faire du recrutement sérieux de candidats et présente aux électeurs les deux mêmes défenseurs romantiques de la veuve et de l’orphelin en oubliant la classe moyenne au profit d’une lutte des classes qui ne dit plus son nom tant sa réalité effective n’est en rien comparable avec des sociétés injustes, réellement opprimées et incapables de jouir de tout le luxe social dont le Québec s’est doté avec les années depuis la révolution tranquille.

Prisonnière de son image, Option nationale, avec son néo-narcisse en guise de chef, ne fait que surfer sur la nouvelle technologie et le jeunisme en attendant de se saborder avec une clause de démantèlement (ou de ralliement hypothétique) quasiment aussi crédible que l’article un du Parti québécois.

La tradition qui fait foi de tout au Québec

Cela dit, est-ce qu’il est impossible pour la CAQ, QS ou ON d’offrir une voie alternative aux partis traditionnels que sont devenus le PQ ou le PLQ, depuis les années 1970 ?

Probablement.

Sauf que la solution d’unité nationale à laquelle je pense ne pourra passer autrement que par d’anciennes ornières… Celles de l’Union nationale de feu Maurice Duplessis et Daniel Johnson, père.

Et ça vous tente vraiment, vous, de passer par là pour obtenir un consensus au Québec ?

Personnellement, je préfère m’en tenir à ce Québec divisé dont tout le monde parle avec tant de gravité, comme si une société pluraliste, ne partageant pas la même « vision » de la société québécoise était le signe de notre avilissement collectif ou la preuve de notre déroute historique et autre inepties du même type…

Le Québec est divisé dans sa propre province ? Absent des décision à Ottawa ? Vraiment ?

Le Québec est plutôt en train de réfléchir. Elle fait son chemin de croix avec l’offre politique qu’on lui donne… Ou plutôt, devrait-on dire, avec l’offre politique qu’elle s’offre à elle-même, la Belle Province.

Car la Belle Province demeure magnifique malgré tous vos gros titres, malgré toutes vos gifles médiatiques. Et malgré toutes vos petites guerres intestines ou l’égo sur-dimensionné le dispute à la conquête d’un pouvoir aussi illusoire qu’éphémère, le Québec demeure encore et toujours un ensemble d’histoires de chums et de grands espaces à habiter.

Que vous le vouliez ou non. Le Québec renaît de ses cendres. Avec ou sans le consentement des stratèges de tous poils qui essaient de dompter la bête noire qui la hante depuis l’aube de l’humanité souffrante: la plèbe, la population, la foule infidèle et désobéissante.

Cette multitude ingouvernable qui ne se sait pas anarchiste mais qui le demeure quand même dans son essence même: indomptable, complexe et très peu reconnaissante de se VOIR offrir une voix qu’elle possède déjà et qui refuse de se faire dire ce qu’elle pense par ses représentants politiques qui, plus souvent qu’AUTREMENT, lui mentent effrontément au visage.

Et comme cette vulgaire farce et attrape qu’on appelle le théâtre, le public, au fond de la salle et au deuxième balcon, sait très bien que les acteurs n’ont d’yeux que pour la section qui paye les billets au prix s’élevant au plus près de leur incommensurable importance.

Car…

 Quoiqu’on dise et quoiqu’on fasse…

http://www.youtube.com/watch?v=gRXva1cqY7s


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